Du Manifeste de Conscience Africaine (1956) au Pacte Social pour la Paix (2025) : Le rôle du leadership religieux dans la quête de la Cohésion Nationale et du vivre-ensemble en RDC.

TRIBUNE DU MESSAGER DE LA PAIX

Par Bertin kangamotema

Kinshasa, 11 février 2025 ( New-messager-de-la-paix.net)

L’histoire politique de la République Démocratique du Congo (RDC) est jalonnée de moments où les leaders religieux ont joué un rôle déterminant dans la mobilisation des populations et l’orientation des transformations sociales et politiques.

En 1956, le Manifeste de Conscience Africaine, rédigé par un groupe d’intellectuels congolais dits « évolués », et parrainé par l’abbe Joseph Albert Malula, constituait une première déclaration publique en faveur d’un changement politique progressif vers l’indépendance du Congo belge.

Parmi les figures marquantes de cette époque, le jeune prêtre Joseph Albert Malula s’imposait comme un guide moral et spirituel, plaidant pour une prise de conscience nationale et une émancipation responsable.

Près de 70 ans plus tard, dans un contexte marqué par des conflits persistants à l’Est de la RDC et une instabilité régionale, la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC) lancent le Pacte Social pour la Paix et le Bien-Vivre Ensemble. Cette initiative vise à mobiliser la population congolaise pour la paix et la cohésion nationale.

L’analogie entre ces deux moments historiques met en lumière le rôle crucial des leaders religieux d’hier et d’aujourd’hui dans la quête d’unité nationale.

Cette tribune de la paix propose une lecture comparative entre l’engagement de Malula dans les années 1950 et celui des responsables actuels de la CENCO et de l’ECC, afin de souligner la nécessité d’un leadership spirituel fort pour parvenir à une paix durable.

De la conscience politique à la conscience sociale : une continuité historique

 Le Manifeste de Conscience Africaine et l’engagement de Malula

Publié le 30 juin 1956, le Manifeste de Conscience Africaine est l’œuvre d’un groupe d’intellectuels congolais qui prônaient un processus graduel vers l’indépendance.

Le document, rédigé sous une forme ecclésiastique proche d’une lettre pastorale, marquait un tournant dans la prise de conscience politique du peuple congolais.

Parmi les figures influentes de cette époque, le jeune prêtre Joseph Albert Malula (futur cardinal), bien que non signataire du manifeste, mais principal rédacteur et inspirateur, s’inscrivait dans la même dynamique.

À travers ses prêches et son engagement pastoral, il appelait les élites congolaises à se mobiliser pour l’autonomie de leur nation tout en insistant sur l’unité et la responsabilité collective.

Il considérait que l’indépendance ne pouvait être viable sans une solide cohésion nationale fondée sur des valeurs spirituelles et morales.

Joseph Albert Malula jouera un rôle clé dans l’encadrement des élites congolaises, les exhortant à dépasser leurs différences ethniques et politiques pour bâtir une nation unie.

Son influence perdurera même après l’indépendance, notamment dans sa critique des dérives du pouvoir et son plaidoyer pour une gouvernance éthique.

Le Pacte Social pour la Paix : Une nouvelle mobilisation nationale

Le 15 janvier 2025, la CENCO et l’ECC lancent le Pacte Social pour la Paix et le Bien-Vivre Ensemble en RDC et dans les Grands Lacs. Ce projet, présenté comme un appel « prophétique et pastoral », vise à répondre aux crises persistantes qui minent la stabilité du pays, en particulier dans l’Est.

Dans un contexte de violences récurrentes, de déplacements forcés et de fractures sociales, les chefs religieux, à travers Monseigneur Donatien Nshole (CENCO) et le pasteur Eric Nsenga (ECC), posent les bases d’une mobilisation populaire en faveur de la paix. Comme Malula en son temps, ils interpellent les Congolais sur la nécessité de retrouver les valeurs fondamentales de leur identité, notamment le « Bumuntu », qui symbolise la fraternité et la solidarité africaines.

Ils soulignent également l’urgence d’un consensus national autour des solutions à apporter aux crises qui secouent la nation, à travers un dialogue inclusif et participatif, à l’image de l’arbre à palabres de la tradition africaine.

Le Leadership religieux comme moteur du changement

Malula, la conscience nationale d’hier

L’un des aspects les plus marquants du leadership de Joseph Albert Malula fut son engagement à éveiller les consciences sans se limiter à la sphère religieuse. Il prônait une Église engagée, au service de la population et non complice des injustices.

Dès les années 1960, il adopte une posture critique face aux dérives du régime de Mobutu, notamment en dénonçant l’authenticité zaïroise imposée par le pouvoir.

Il milite pour un État fondé sur des valeurs morales solides, tout comme il avait soutenu, avant l’indépendance, l’idée que la libération du Congo devait s’accompagner d’une responsabilisation des élites et d’une solidarité entre les Congolais.

La CENCO et l’ECC, la conscience sociale d’aujourd’hui

Aujourd’hui, la CENCO et l’ECC reprennent ce flambeau en se positionnant comme des acteurs clés du dialogue national. Elles sont devenues des médiatrices incontournables dans les crises politiques et sécuritaires.

En 2016-2017, la CENCO a joué un rôle décisif dans les Accords de la Saint-Sylvestre, qui ont permis une transition politique après la crise du troisième mandat de Joseph Kabila.

À travers le Pacte Social pour la Paix, la CENCO et l’ECC assument une responsabilité morale similaire à celle de Malula, en appelant à un sursaut collectif.

Leur démarche vise à transcender les divisions politiques et ethniques pour construire un véritable projet national de réconciliation et de cohésion sociale.

Cohésion et consensus : Clés d’une paix durable

L’histoire du Congo montre que l’unité nationale est un préalable à toute stabilité durable. À travers leurs engagements respectifs, Malula hier et la CENCO/ECC aujourd’hui ont mis en avant la nécessité d’un dialogue ouvert et inclusif.

Les conflits qui ravagent encore la RDC démontrent que la seule solution viable est une paix fondée sur le consensus, impliquant toutes les composantes de la société.

Le Pacte Social pour la Paix insiste sur l’urgence de mobiliser tous les acteurs politiques, religieux et civils pour une stabilité effective.

Comme en 1956 avec le Manifeste de Conscience Africaine, le Congo se trouve aujourd’hui à un tournant. L’implication des leaders religieux montre que la paix ne peut être l’affaire exclusive des politiques ou des institutions internationales, mais doit être un engagement collectif et partagé par l’ensemble des citoyens.

De Malula à la CENCO et l’ECC, le leadership religieux en RDC s’est imposé comme un rempart moral et une boussole éthique face aux défis politiques et sociaux.

Le Manifeste de Conscience Africaine a permis une prise de conscience nationale en 1956, tandis que le Pacte Social pour la Paix et le Bien-Vivre Ensemble ambitionne aujourd’hui de restaurer la cohésion dans une société fragilisée par des décennies de conflits.

Cette continuité historique souligne que l’unité et la cohésion sont les seules voies possibles vers un avenir apaisé et prospère.

La RDC, riche de son héritage spirituel et culturel, a encore une chance d’écrire une nouvelle page de son histoire, où la paix ne serait plus un vœu pieux, mais une réalité concrète et durable.

New-messager-de-la-paix.net /Bertin kangamotema

Partagez l'article via

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *