Kinshasa, 11 avril 2025 ( New-messager-de-la-paix.net)-
Interview exclusive de l’écrivain et chercheur Didier Mumengi
Alors que Kinshasa peine à se relever des inondations récurrentes qui frappent la capitale congolaise, Didier Mumengi analyse les racines géomorphologiques des crues submersives incessantes dans la ville de Kinshasa, et en révèle les causes profondes. Il propose une stratégie inédite et rigoureuse, articulée autour de mesures urgentes et d’un plan directeur à long terme.
Entretien.—
Kinshasa après les inondations. Que faut-il savoir ? Et que faire pour son avenir ?
New-messager-de-la-paix.net : Vous affirmez que le problème des inondations à Kinshasa est spatio-temporel. Comment l’expliquez-vous ?
Didier Mumengi : Kinshasa est construite sur un astroblème, c’est-à-dire un cratère météoritique fossile. Elle s’étend sur des terrasses ceinturées de collines hautes de 500 à 600 mètres, traversées par une vingtaine de cours d’eau dont les lits ont rétréci de plus de 50 %.
Juste en face : un gigantesque lac intérieur de près de 500 km² , forme le cour inférieur du fleuve Congo, un exutoire des eaux de la cuvette centrale long de 4 700 km. Cette configuration géomorphologique de Kinshasa, prédispose naturellement la Capitale de la RDC aux inondations saisonnières.
À cela s’ajoute un boom démographique sans précédent : 400 000 habitants en 1960 sur 6,8 km² ; 1,7 million en 1975 sur 200 km² ; 7,5 millions en 2005 sur 430 km². En 2025, Kinshasa comptera environ 18 millions d’habitants, pour une superficie de 860 km², dont seulement 500 km² sont urbanisés.
Près de la moitié de la ville est constituée de constructions anarchiques, en dehors de tout plan d’urbanisation.
New-messager-de-la-paix.net :La disparition de Kinshasa est-elle inéluctable ?
Didier Mumengi : Pas du tout. Mais il faut agir sans délai, avec une approche systémique et une rigueur martiale de mise en œuvre. Je propose cinq grands dispositifs physiques d’urgence pour prévenir durablement les inondations :
1. Construire immédiatement des infrastructures de rétention : barrages, canaux, digues et autres systèmes de protection hydraulique.
2. Restaurer les lits des rivières : réaménager écologiquement les berges, créer des sentiers tampons entre les rivières et les habitations, et bâtir un réseau de grands collecteurs d’évacuation des eaux.
3. Adopter des normes impératives d’assainissement urbain inclusif : égouts privés reliés aux réseaux publics, stations d’épuration, filtres à sable, toilettes à compostage ou à incinération, marais filtrants, puits d’infiltration, etc.
4. Mettre en place un réseau de drainage des eaux pluviales pour compenser l’imperméabilisation croissante du sol due aux constructions massives.
5. Aménager des digues et berges de protection contre les crues du fleuve Congo, entrecoupées de plages fluviales ou de rivages boisés.
New-messager-de-la-paix.net : Quelles mesures à court terme préconisez-vous ?
Didier Mumengi :Il faut quatre axes majeurs d’action immédiate, une opération à la hussarde pour sauver la ville :
* Démolir toutes les constructions anarchiques et reloger dignement les familles touchées. C’est une question d’ordre urbain et de survie collective urbaine.
* Lancer un programme intensif de curage, d’entretien et d’assainissement des caniveaux et des rivières.
* Reboiser massivement Kinshasa, via des murs végétaux le long des grandes artères, des réserves forestières naturelles, des îlots urbains de sénescence et des aires protégées pour la respiration biologique et l’absorption du CO2.
* Concevoir un nouveau Master Plan pour Kinshasa : un plan directeur intégrant les dimensions urbanistique, économique, touristique, culturelle et administrative.
New-messager-de-la-paix.net/Bertin kangamotema