« Mukanda Tiodora » : Une lettre de résistance d’une esclave congolaise au cœur du Brésil colonial.

Un témoignage rare du XIXe Siècle.

Le roman graphique « Mukanda Tiodora » de Marcelo D’Salete nous transporte dans le São Paulo des années 1860, une époque où l’esclavage prospérait au Brésil. Inspiré par la vie de Tiodora Dias da Cunha, une Africaine capturée et réduite en esclavage, ce récit est construit autour de sept lettres authentiques, dictées par Tiodora et conservées dans les archives publiques de l’État de São Paulo. Ces missives, datées de 1866, témoignent de la lutte d’une femme analphabète pour retrouver sa famille et recouvrer sa liberté.

L’Écriture comme acte de résistance

Dans un contexte où la province de São Paulo comptait plus de 117 000 esclaves, Tiodora, bien que privée de liberté et séparée de ses proches, a trouvé un moyen d’exprimer ses aspirations.

Grâce à l’aide d’un esclave lettré, elle a pu écrire à son mari et à son fils, espérant un jour les revoir et retourner au Congo.

Marcelo D’Salete, à travers ce roman graphique, explore non seulement la vie de Tiodora, mais aussi celle d’autres esclaves qui, malgré des conditions de vie extrêmement dures, ont utilisé l’écriture comme un outil de résistance et d’émancipation.

Une exploration de la diversité des conditions d’esclavage

Le roman graphique de D’Salete décrit un São Paulo où coexistaient esclaves asservis et affranchis, chacun avec des réalités différentes. L’auteur met en lumière les diverses formes de clivages entre esclaves urbains et ruraux, domestiques et « de gain ».

Ces derniers étaient des esclaves qui exerçaient des métiers en ville, tels que porteur ou artisan, et devaient remettre une partie ou la totalité de leurs revenus à leur propriétaire.

Malgré ces divisions, des réseaux de solidarité se sont formés, rendant l’écriture non seulement un acte subversif, mais aussi un moyen de créer des liens entre les esclaves.

L’écriture et la résistance dans le Brésil Impérial

En parallèle, « Mukanda Tiodora » relate la vie de deux intellectuels noirs abolitionnistes, Luís Gama et Ferreira de Menezes, qui ont joué un rôle crucial dans le mouvement abolitionniste au Brésil.

À travers leurs écrits, ces hommes ont critiqué vigoureusement le régime impérial brésilien et l’Église, et ont donné le ton aux débuts du débat sur l’abolition de l’esclavage.

Une plongée historique au cœur du XIXe Siècle

Le roman graphique est complété par une riche documentation historique, y compris la reproduction intégrale des lettres de Tiodora.

D’Salete nous fait revivre une époque de grandes transformations, marquée par la Guerre du Paraguay (1864-1870), l’abolition de l’esclavage aux États-Unis en 1865, et l’essor du mouvement abolitionniste au Brésil.

Les planches en noir et blanc illustrent avec force ces bouleversements, offrant une vision poignante de cette période sombre.

Un dialogue entre le Brésil et l’Afrique

« Mukanda Tiodora » établit également un lien culturel entre le Brésil et l’Afrique, en mettant en avant des traditions et des rituels africains qui ont survécu à travers les siècles.

Ces références soulignent l’importance de la mémoire et de la réappropriation du récit pour la population afro-descendante du Brésil, qui représente aujourd’hui plus de la moitié du pays.

Un ouvrage essentiel pour la mémoire et la réflexion

Le travail de Marcelo D’Salete est fondamental dans la lutte contre les inégalités raciales et le travail forcé, qui demeurent une réalité au Brésil. Depuis 1995, environ 63 400 personnes ont été libérées de conditions de travail proches de l’esclavage.

En racontant l’histoire de Tiodora, l’auteur nous invite à réfléchir sur ce passé douloureux et à envisager des moyens de combattre les vestiges de l’esclavage encore présents aujourd’hui.

New-messager-de-la-paix.net/Bertin kangamotema 

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