Eddy Masumbuku, artiste visionnaire et pionnier cocongolais décédé le lundi 18 novembre 2024 à Kinshasa, a redéfini les frontières de l’art et de l’utilité en transformant une matière brute, le bambou, en véritables œuvres d’art vestimentaire. Cet innovateur, aujourd’hui disparu, a fondé sa démarche sur un concept qu’il appelait le fouillisme, une philosophie qui prône l’exploration de la nature comme source d’inspiration et d’innovation.
Selon Eddy, toute avancée humaine repose sur l’imagination nourrie par une quête constante de connaissance.
Pour lui, la nature est l’origine de tout, et il estimait que s’en éloigner, c’était perdre une connexion essentielle à la vie et à l’innovation. Partant de cette conviction, il explorait la forêt, qu’il considérait comme un sanctuaire de matières brutes, à la fois riches et accessibles.
Il y trouvait des bambous, qu’il utilisait sans transformation excessive, pour créer des vêtements symbolisant une communion entre l’homme et la nature.
L’art vestimentaire au cœur de la nature
L’aventure artistique d’Eddy Masumbuku a débuté en 2001, lorsqu’il a fabriqué son premier sac en bambou. Ce premier essai a rapidement été suivi par un t-shirt, puis un pantalon, et, peu à peu, toute une garde-robe a vu le jour : chapeaux, cravates, manteaux, conçus exclusivement en bambou brut.
À travers ces créations, Eddy ne cherchait pas seulement à habiller, mais à éveiller les consciences. Chaque pièce, façonnée directement à partir de la nature, incarnait une dimension spirituelle, une « seconde peau » révélant l’âme humaine et la richesse du vivant.
À l’occasion de la 4e Biennale d’art contemporain de Lubumbashi, ses créations ont été exposées de manière saisissante. Étendues sur le sol, elles évoquaient l’ossature d’une créature inconnue, une métaphore puissante de la fusion entre l’art, la nature et l’homme.
Le fouillisme : explorer pour innover
Le concept de fouillisme, inventé par Eddy, repose sur l’idée que l’art ne peut naître que de l’exploration de ce qui nous entoure. Il défendait une approche artisanale et contextuelle, encourageant les artistes à puiser dans leur environnement immédiat pour créer des objets à la fois fonctionnels et artistiques.
Ce courant s’inscrit dans la lignée du librisme, un mouvement artistique né à Kinshasa en 1996, qui prône la liberté totale dans le choix des supports et des moyens d’expression.
Eddy voyait en son travail une manière de réconcilier l’homme moderne avec son environnement. Pour lui, l’art ne devait pas être un luxe, mais une composante essentielle de la vie quotidienne.
C’est cette vision qui l’a également conduit à vouloir embellir son village natal dans le Bandundu, en y apportant couleur et esthétique. Il rêvait de toits en bambou et d’habitations décorées d’argile, des constructions joyeuses et lumineuses, témoins du goût ancestral pour le beau.
Héritage d’un innovateur
Eddy Masumbuku laisse derrière lui un héritage unique, où l’art et l’écologie s’entrelacent harmonieusement. Ses vêtements en bambou ne sont pas seulement des pièces utilitaires ou esthétiques ; ils incarnent une philosophie de vie et une invitation à reconsidérer notre rapport à la nature.
Eddy nous rappelle que l’innovation ne réside pas dans la technologie sophistiquée, mais dans notre capacité à réimaginer l’ordinaire avec les ressources les plus simples.
Aujourd’hui, son travail continue d’inspirer artistes et créateurs, prouvant que le génie naît souvent d’une écoute attentive de la nature et d’une recherche sincère de l’harmonie entre l’homme et son environnement.
Eddy Masumbuku a fait bien plus que des vêtements : il a donné une âme aux matériaux bruts et une nouvelle direction à l’art contemporain africain.
New-messager-de-la-paix.net/Bertin kangamotema
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