Médias congolais : la mort silencieuse d’un pilier de la démocratie en RDC. ( Delphin Bateko Moyikoli )

Medias, un secteur en déclin?

Plus de six décennies après l’indépendance de la République Démocratique du Congo (RDC), les médias congolais peinent à remplir leur rôle de « quatrième pouvoir », contrairement à d’autres institutions démocratiques comme le pouvoir judiciaire, législatif et exécutif. Aujourd’hui, les médias en RDC ne suscitent ni l’intérêt ni l’indignation.

Pour Delphine Bateko, ce déclin est dû à des articles dépourvus de fond, à un manque de moyens financiers et à l’absence de soutien publicitaire.  » Loin de leur mission initiale d’informer et d’éduquer, les médias congolais sont à la dérive » .

Le manque de moyens : un obstacle majeur à l’épanouissement médiatique

La situation des médias en RDC est désastreuse, en grande partie à cause de l’absence de ressources financières.

Les médias ne reçoivent pas de soutien des autorités publiques et sont souvent privés de revenus publicitaires. Le contraste est frappant : bien que les médias aient souvent servi les intérêts des politiciens, ceux-ci, une fois au pouvoir, n’apportent aucun appui aux entreprises de presse.

En conséquence, les journalistes se limitent à une mission purement informative, négligeant les aspects de gestion et de préservation du patrimoine médiatique, essentiels à la viabilité de toute entreprise de presse.

Les quatre piliers de la gestion des médias : Un cadre négligé

Pour une gestion optimale des médias, il est essentiel de s’appuyer sur quatre piliers représentés par les lettres de l’alphabet français : IPAC, à savoir Informer, Promouvoir, Administrer et Conserver.

Cependant, en RDC, seules les fonctions d’Informer et, dans certains cas, de Promouvoir, sont exploitées. Les fonctions d’Administration et de Conservation des archives sont largement ignorées.

Il en résulte une perte importante d’informations précieuses, indispensables pour enrichir les contenus journalistiques et offrir aux lecteurs des analyses approfondies et contextualisées.

Une profession fragilisée par la faiblesse des infrastructures et la précarité des journalistes

L’un des principaux freins à la production d’informations en RDC est le manque criant de moyens pour collecter des données sur le terrain.

Les médias locaux recourent de plus en plus au copier-coller ou à la réutilisation d’informations produites par d’autres sources, ce qui nuit à l’originalité et à la crédibilité des contenus.

La presse congolaise semble avoir perdu son dynamisme et sa capacité à surprendre ou interpeller.

De plus, beaucoup de journalistes se trouvent dans une position délicate, craignant les représailles politiques s’ils osent critiquer le pouvoir en place ou leurs partenaires économiques.

Ainsi, nombre d’entre eux se contentent de relater des faits, sans jamais les approfondir, ce qui appauvrit considérablement la qualité du journalisme.

Une dégradation des genres journalistiques et des pratiques rédactionnelles

Le déclin des médias congolais se reflète également dans la disparition progressive de certains genres journalistiques tels que l’analyse ou l’enquête approfondie, remplacés par des reportages de surface et des comptes rendus rapides.

La rapidité et la superficialité sont devenues la norme, au détriment de la rigueur et de la recherche de fond.

Le concept de « background », crucial pour enrichir les articles de presse, est largement ignoré. Ce terme anglais, qui signifie littéralement « arrière-plan » ou « contexte », désigne l’ensemble des connaissances et des informations que le journaliste apporte pour donner du poids et du sens à ses écrits.

En RDC, l’absence d’archives et de bibliothèques dans les entreprises de presse prive les journalistes de cette matière première essentielle à l’élaboration d’articles de qualité.

Les médias congolais : Des entreprises sans patrimoine ni archives

Un média sans archives est un média sans mémoire ni profondeur. En RDC, les entreprises de presse manquent de services de documentation, de mini-bibliothèques et de services d’archives, éléments indispensables pour permettre aux journalistes d’enrichir leurs articles.

Cette absence d’infrastructure se traduit par une uniformité des contenus publiés, où chaque média semble reproduire les mêmes informations sans les contextualiser.

Le rôle du journaliste est comparable à celui d’un cuisinier : il doit composer avec différents ingrédients pour offrir un repas (l’information) de qualité à ses lecteurs. Or, sans background, il est impossible de diversifier ou d’approfondir les informations, ce qui aboutit à une presse fade et dénuée de profondeur.

Conclusion : Une presse sans repère

La situation des médias en RDC est alarmante. L’absence de soutien financier, de formation continue, et de ressources documentaires est en train de tuer à petit feu un secteur pourtant essentiel à la démocratie.

Le renforcement de la gestion des entreprises de presse, ainsi que l’amélioration des conditions de travail des journalistes sont des priorités si l’on veut redonner à la presse congolaise sa place en tant que quatrième pouvoir.

Sans cela, les médias continueront de s’éteindre en silence, privant ainsi la population d’un droit fondamental : l’accès à une information riche, diversifiée et de qualité.

Cet article est de Delphin Bateko Moyikoli, chercheur en communication, journalisme, archives et bibliologie, qui observe la lente agonie des médias en RDC. Vous pouvez le contacter via WhatsApp au +243 833 938 615 pour en savoir plus.

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